Le favori de l’impératrice Catherine II, Grégoire Potemkine, fit édifier de faux villages prospères en 1787 pour cacher à la souveraine et à sa délégation de dignitaires étrangers, parmi lesquels l’ambassadeur de France, la réalité misérable des campagnes bordant le Dniepr. C’est du moins ce que relate la légende, qui n’aime rien tant qu’embellir la réalité et qui a laissé de cet épisode le nom des « villages Potemkine ».
Et si les Jeux olympiques de Sotchi n’étaient que la version du XXIe siècle des fameux villages ? Les JO d’hiver les plus chers de l’histoire (50 milliards de dollars), organisés dans
l’endroit le plus chaud de Russie, au bord de la zone de guerre du Caucase du Nord, sont censés projeter l’image d’un Vladimir Poutine au faîte de sa gloire, régnant sur une Russie prospère et influente, qui a maté les terroristes tchétchènes, qui fait jeu égal sur la scène mondiale avec les dirigeants des Etats-Unis et de Chine et qui peut faire sortir de terre les projets les plus pharaoniques.
Rien n’est plus faux. L’Etat russe, aussi obèse qu’inefficace, règne sur un peuple dont la démographie s’est effondrée, la rente des hydrocarbures ne suffit plus à alimenter une croissance devenue anémique, la corruption est endémique. Plus grave pour Poutine, l’alliance historique qu’il a orchestrée entre les services de sûreté de l’Etat, les oligarques qui contrôlent les immenses richesses du sous-sol et l’Eglise orthodoxe, vacille sous les coups de boutoir d’une classe moyenne qu’il a lui-même contribué à faire émerger. C’est aujourd’hui la classe moyenne ukrainienne, qui aspire à plus de liberté, qui montre le chemin à suivre. Tôt ou tard, la Russie suivra.