lundi 3 février 2014

Quai d'Orsay : primes généreuses pour un diplomate ami de Hollande proche du président et ambassadeur en Russie, Jean-Maurice Ripert a perçu des primes durant un an alors qu'il était sans affectation.

 Le Point.fr - Publié le 03/02/2014 à 06:03
Près de 37 000 euros de primes et indemnités sur l'année 2011, soit un peu plus de 3 000 euros par mois : pour le diplomate Jean-Maurice Ripert, de quoi singulièrement améliorer l'ordinaire de son traitement brut de ministre plénipotentiaire hors classe qui s'élève alors à 5 880 euros. Cette prime de 3 000 euros par mois correspondait à une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires en administration centrale (1 887 euros chaque mois), prime de rendement (1 900 euros tous les trimestres), indemnité de résidence (176 euros mensuels), indemnité de fonction et de résultats (300 euros par mois), indemnité exceptionnelle (975 euros versés en décembre).
Dans un ministère sous tension budgétaire depuis des années, les bonnes fées du Quai d'Orsay se
sont penchées sur le bulletin de salaire de celui qui a été nommé ambassadeur en Russie fin octobre 2013. Un poste qui doit beaucoup à son ami de la promotion Voltairede l'Ena François Hollande, qui laisse d'habitude toute latitude à son ministre Laurent Fabius pour nommer les ambassadeurs.

Le ministère des Affaires étrangères muet

Mais, au ministère des Affaires étrangères, des diplomates s'interrogent à voix basse sur la réalité du poste occupé par Jean-Maurice Ripert au cours de l'année 2011 et se demandent s'il n'a pas bénéficié d'une faveur sonnante et trébuchante. Car, si sa biographie diffusée sur le site de l'ambassade de France en Russie fait état, sans précision, d'un poste à la Direction générale de l'administration du Quai d'Orsay en 2011, la notice publiée sur l'intranet du ministère reste muette à ce sujet. Un "blanc" entre le poste de secrétaire général adjoint des Nations unies, envoyé spécial pour l'aide au Pakistan, d'octobre 2009 à fin 2010 et celui de chef de la délégation de l'Union européenne en Turquie, occupé de janvier 2012 à octobre dernier.
Ceux qui le soupçonnent d'avoir encaissé des primes et indemnités indues avancent que durant l'année 2011 Jean-Maurice Ripert vivait en Suisse avec sa compagne et ne disposait pas d'un domicile à Paris. De fait, le courrier envoyé par le ministère des Affaires étrangères lui était adressé... chez un proche de sa future épouse, domicilié en banlieue parisienne aux Lilas. Et lorsqu'il était de passage à Paris - il lui est ainsi arrivé de siéger, sous l'étiquette de la CFDT, à la commission de discipline des ministres plénipotentiaires -, Jean-Maurice Ripert logeait chez un ami diplomate, lui aussi de la promotion Voltaire. Les documents en possession du Point.fr attestent que Jean-Maurice Ripert a, durant toute cette année 2011, été rémunéré au titre d'une "mission" jamais clairement identifiée, mais qui a, en tout état de cause, déclenché le paiement des primes.

Ripert, un diplomate éminemment politique

Dans un échange de mails avec Le Point.fr, le diplomate explique que, candidat à un poste d'ambassadeur qui ne lui a jamais été proposé, il était rattaché à la Direction générale de l'administration uniquement "pour des raisons administratives". Stéphane Romatet, alors directeur général de l'administration et aujourd'hui ambassadeur en Australie, précise qu'il s'agit d'une "décision de gestion administrative usuelle". Romain Nadal, le directeur de la communication et de la presse du ministère, ajoute que cette période sans affectation "a été mise à profit par M. Ripert pour réaliser un retour d'expérience des responsabilités exercées au Pakistan et pour préparer les phases de sélection mises en place par le Service européen d'action extérieure pour le poste en Turquie". Relancés afin de savoir si la situation administrative de Jean-Marie Ripert justifiait le versement de primes et indemnités, ni les uns ni les autres n'ont répondu au Point.fr. Un diplomate ayant exercé des fonctions de directeur général au Quai d'Orsay nous a avoué que c'était la première fois qu'il entendait parler de primes pour un collègue sans affectation. 
Jean-Maurice Ripert est un diplomate éminemment politique, qui a passé une partie de sa carrière dans des cabinets ministériels socialistes. En 1983, trois ans après sa sortie de l'Ena, il rejoint le cabinet du ministre délégué à la Coopération. Il enchaîne ensuite : ministère des Affaires européennes, ministère des Relations extérieures. Il prend en 1991 la direction du cabinet de Bernard Kouchner, secrétaire d'État à l'action humanitaire, et devient conseiller diplomatique de deux Premiers ministres, brièvement pour Michel Rocard, durant trois années auprès de Lionel Jospin (1997-2000). Au sortir de cette phase politique, sa carrière décolle. Ambassadeur en Grèce, directeur des Nations unies et des organisations internationales au Quai d'Orsay, représentant permanent auprès de l'Office des Nations unies à Genève, puis représentant permanent de la France aux Nations unies à New York à l'été 2007.

Exécuté par Sarkozy en 2009

Jean-Maurice Ripert en sera brutalement "viré" en septembre 2009, exécuté par Nicolas Sarkozy qui lui reprochait de ne pas l'avoir accueilli à l'arrivée de son avion à New York pour l'Assemblée générale annuelle de l'ONU - il plaidera en vain qu'il siégeait alors au Conseil de sécurité. Annus horribilis, le diplomate aurait pu prétendre cette même année 2007 à la direction du cabinet de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères d'ouverture de Nicolas Sarkozy. Mais le sherpa du président de la République, Jean-David Levitte, y avait mis son veto.
À l'élection de François Hollande, cet ami de plus de trente ans, Jean-Maurice Ripert croit son heure venue. Il se voit dans les habits de conseiller diplomatique. Un poste qui lui sera soufflé par Paul Jean-Ortiz, jugé moins "clivant". Il se murmure au Quai d'Orsay que son ex-femme, Claudine Ripert-Landler, nommée conseillère à la communication et à l'international à l'Élysée et elle aussi amie de longue date du président de la République, ne serait pas étrangère à ce choix. Désormais ambassadeur en Russie, Jean-Maurice Ripert n'a plus à se soucier d'arrondir son traitement de base. Il perçoit une indemnité de résidence mensuelle qui est une des plus élevées parmi celles versées par le Quai d'Orsay, Moscou appartenant au cercle des villes les plus chères du monde. Elle se montait à 19 353 euros début 2011

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