lundi 19 mai 2014

Décryptage: Bruxelles, chômage et croissance

19 mai 2014, 10:18 Auteur :  0 commentaire

jacquesdegueninOn entend ou lit souvent, chez certains hommes politiques, la phrase :
Pour diminuer le chômage, il faut faire plus de croissance. Malheureusement Bruxelles nous en empêche.
Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire? L’idée est que si “Bruxelles” ne nous forçait pas à respecter les critères de Maastricht, on pourrait continuer, comme on l’a fait de 1974 à 2001, à distribuer au bon peuple des richesses que l’on n’a pas, en empruntant ou dévaluant.[1]
On trouve deux sortes de gens parmi ceux qui répandent cette idée : les superficiels et les cyniques. Commençons par les seconds : ceux-là comprennent que l’on ne peut créer de la valeur à partir de rien, mais ils voudraient bien flatter leur électorat ou leur clientèle en continuant à jeter de l’argent par la fenêtre, ce qu’ils feraient volontiers si Bruxelles les laissait violer impunément les critères de Maastricht.
Les premiers sont de lointains disciples de Keynes. Ils croient que pour amorcer la reprise, il faut distribuer de la monnaie de singe et emprunter. Mais Keynes n’était pas complètement idiot. Il recommandait certes de stimuler la consommation par une distribution de richesses sous diverses formes, quitte à pratiquer le déficit du budget, mais il préconisait que l’État récupère ses largesses dès la reprise. Or, on a bien vu les Etats pratiquer la première recommandation, mais jamais la seconde.
De toutes façons, il est consternant de voir encore de bons esprits préconiser la stimulation de la demande par le déficit, car l’expérience contredit systématiquement cette idée. Ainsi, en 2009, Obama
a fait dépenser 800 milliards de $ à son administration afin de “relancer” l’économie américaine. Il espérait ainsi faire reculer le chômage de 8,3% de la population active à 7%. Un an après, le chômage frôlait les 10% et la dette avait augmenté d’un tiers. Dans une étude publiée dans le Wall Street Journal du 5 août 2012, Arthur Laffer montre que dans les 34 Etats de l’OCDE, entre 2007 et 2009, ceux qui ont pratiqué les plus fortes dépenses pour stimuler l’économie ont obtenu les plus faibles croissances de leur PNB.”Cela n’a rien d’étonnant”, dit-il : “le critère pour recevoir des fonds pour stimuler l’économie est l’absence de salaire, ou pour l’entreprise, de revenus. Prendre de l’argent aux entreprises ou aux individus qui réussissent pour le donner aux entreprises qui échouent ou aux chômeurs est le moyen le plus sûr pour diminuer la production et accroître le chômage”.
Parmi les superficiels, on trouve aussi ceux qui croient que les monnaies doivent être gérées par les Etats, comme les souverainistes. C’est oublier que depuis la fin de la guerre de 39-45 jusqu’à la création de la communauté européenne, il y a eu de l’inflation tous les ans, et le franc a perdu 99% de sa valeur initiale! Vous avez bien lu : l’État a divisé par 100 la valeur du franc! C’est oublier aussi qu’entre 1795 et 1914, les pays occidentaux vivaient sous le régime de l’étalon or qui interdisait aux Etats de manipuler leurs monnaies. Pendant cette période, leurs monnaies ne se sont pas dévalorisées, et les valeurs respectives de ces monnaies sont restées stables. Il en est résulté une prospérité croissante pour les peuples.
D’autres superficiels invoquent Robert Mundell sans l’avoir lu et sa théorie des zones monétaires optimales. Ils affirment que la CE n’est pas une zone monétaire optimale, à cause des différences économiques entre les Etats qui la composent, donc sa monnaie unique n’est pas viable. C’est oublier que le même Mundell était un chaleureux partisan de l’étalon or et de l’Euro. En régime d’étalon or, en effet, peu importe que les Etats aient des développements différents. Or l’Euro possède les deux caractéristiques essentielles de l’étalon or :
- Il est indépendant des Etats
- La quantité de monnaie en circulation est limitée par la Banque Centrale Européenne.
Ceci dit, la BCE semble respecter de moins en moins ses statuts en pratiquant un laxisme monétaire contraire à sa vocation. Comme quoi, il n’est pas facile pour une entité supranationale de résister aux sirènes des Etats.
Nous conclurons avec Claude Bébéar (Le figaro du 12.5.2014) : “Pendant des années, les faibles taux d’intérêt permis par l’Euro ont anesthésié les efforts de réforme et alimenté une certaine forme de paresse politique.
Si certains Français ont le sentiment d’avoir perdu leur prospérité comme leur souveraineté à cause de l’Euro, ce sont bien les décisions de nos gouvernements successifs, et pas de la Commission européenne ou de la BCE qui ont sans cesse retardé la modernisation du fonctionnement de notre pays et les réformes structurelles qu’elle exige”


[1] Rappelons ces critères :
- le déficit d’une année ne devait jamais excéder 3% du PIB de l’État membre
- la dette de cet État ne devait pas dépasser 60% du PIB. Ainsi un État ne pouvait pas faire indéfiniment des déficits.

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