lundi 30 juin 2014

PIB marchand et non marchand face aux dépenses publiques et aux prélèvements

par IREF

Comparaisons France-Allemagne

Le produit intérieur brut (PIB) dans son approche revenus est égal aux Rémunérations des salariés + Excédent brut d’exploitation et revenu mixte brut + Impôts sur la production et les importations - Subventions d’exploitation.
Il mesure le revenu tiré de la production d’un pays. Du reste par l’approche production il est égale à la somme des valeurs ajoutées des secteurs institutionnels + impôts –subventions sur produit. La valeur ajoutée résultant de la production à laquelle on soustrait les consommations intermédiaires.
Traditionnellement on mesure la pression des prélèvements obligatoire par rapport au PIB. Mais la production peut être marchande ou non marchande. C’est à- dire financée principalement par un prix de vente pour le marchand ou par des
prélèvements obligatoires pour le non marchand. Cela donne naissance à une valeur ajoutée marchande et une valeur ajoutée non marchande.
La comparaison du poids des prélèvements obligatoires et sa progression par rapport à la partie marchande du PIB qui représente la base taxable des revenus est riche d’enseignements.
- La valeur ajoutée non marchande du PIB en France est supérieure de plus 80 Mds à ce qu’elle est en Allemagne
- La « rémunération des salariés » des administrations publiques est en France supérieure de plus de 63 Mds€ à ce qu’il est en Allemagne
- Le poids de la dépense publique dans la Valeur ajoutée marchande représente 30 points de plus du PIB en France qu’en Allemagne
- Seulement 30 % de la dépense publique en France profite au secteur marchand, le reste est phagocyté par le secteur public
- Entre 2000 et 2012, la part des recettes publiques (par rapport au PIB) en France a augmenté de 5.1 points par rapport à la valeur ajoutée marchande, alors qu’en Allemagne elle a baissé.
- Sur la même période, en Allemagne, le taux de prélèvement marginal a été de 57 % de la valeur ajoutée marchande et de plus de 100 % en France.

1. Décomposition du PIB en marchand, non marchand et impôts – subventions sur produits

a. Calcul de la valeur ajoutée marchande et non marchande

La Production se répartit en production marchande, production pour usage final propre et autre production non marchande. Les statistiques nationales ne font pas apparaître explicitement la valeur ajoutée marchande et la valeur ajoutée non marchande. Il faut dont les calculer. La base qui sert pour les calculs provient des comptes nationaux par secteurs d’Eurostat. La méthode utilisée est simple.
Du PIB on soustrait les impôts – subventions sur produit. Il nous reste les valeurs ajoutées de chaque secteur. Les secteurs produisant du marchand sont les SNF sociétés non financières, les SF sociétés financières. La partie marchande de la valeur ajoutée produite se calcule alors par la valeur ajoutée totale – la production pour usage final propre (PPUFP).
Dans les données Eurostat le secteur des ménages est regroupé avec celui des Institutions sans but lucratifs au service des ménages (ISBLM). La valeur ajoutée marchande s’obtient en retranchant la PPUFP et les autres productions non marchandes.
Les administrations publiques ont une production marchande qui provient principalement des « ventes résiduelles » c’est-à-dire de la participation monétaire directe que l’on fait payer pour l’usage d’un service publique. Nous considérons dans cette étude que cette production est similaire à du non marchand car liée à la fourniture d’un service public et utilisant les ressources productives des administrations publiques. Au demeurant cette production est négligeable (en 2012 : 59 Mds € pour un total de production du pays de 3 699 Mds €)
La valeur ajoutée marchande est donc sous cette hypothèse égale à celle des SNF et des SF plus celle des ménages et ISBLM et la valeur ajoutée non marchande s’obtient en retranchant la valeur ajoutée marchande du PIB- (impôts-subventions sur produit).

b. Part du marchand et du non marchand en France et en Allemagne en 2012

Graph. 1. Montant de la VA marchande non marchande et impôt-subvention sur produit en 2012 (millions d’euros)

GIF - 9.1 ko
Il y a une différence notable entre les structures des deux pays. Si les impôts moins subventions sur produit représentent la même part du PIB, la proportion du marchand et du non marchand diffèrent de 10 points.
Tableau 2. Répartition du PIB entre VA marchande, VA non marchande, impôt-subvention produit
Année 2012 en % du PIBVA marchandeVA non marchandeImpôt-subvention sur produit
Allemagne69,8 %19,7 %10,5 %
France59,8 %29,8 %10,4 %
De ce fait les impôts – subventions sur produit dont la base taxable est principalement la valeur ajoutée marchande (la TVA) pèse pour 17,4 % de cette dernière en France contre 15 % en Allemagne.
De plus, la valeur ajoutée non marchande en France est supérieure de plus 80 Mds à ce qu’elle est en Allemagne. Ceci s’explique principalement par l’importance relative du poste « rémunération des salariés » des administrations publiques qui est en France supérieur de plus de 63 Mds€ à ce qu’il est en Allemagne (France 267,7 ; Allemagne 203,8).

c. Evolution 2000-2012

Depuis l’an 2000 le rapport de la valeur ajoutée marchande à la valeur ajouté non marchande est plus élevé en Allemagne qu’en France. Cependant il a tendance à se maintenir ou à croître en Allemagne alors qu’il décroît en France.

Graph. 3. Rapport de la Valeur ajoutée marchande à la valeur ajoutée non marchande

GIF - 11.8 ko
L’évolution de ce rapport tient aux évolutions respectives de la valeur ajoutée marchande et non marchande et du PIB.

Graph. 4. Evolution comparée France Allemagne PIB Valeur ajoutée marchand et non marchande

GIF - 12.3 ko
Alors que la valeur ajoutée marchande et le PIB (à prix courant) suivent des coubes parallèles en Allemagne avec une légère supériorité pour le marchand et que la valeur ajoutée non marchande reste en deçà des deux autres courbes en Allemagne. En France la valeur ajoutée non marchande évolue à un rythme supérieur aux deux autres courbes et la valeur ajoutée marchande présente la progression la plus faible.
La plus forte croissance des données françaises ne doit pas faire illusion car en volume l’évolution est très proche.

Graph. 5. Evolution comparée France Allemagne PIB en volume

GIF - 9.4 ko

PIB en volume 2000=100

Source : Eurostat

Il est clair que le changement de politique opéré en Allemagne « L’agenda 2010 » a clairement dopé la croissance et conduit à une maîtrise du non marchand. Sans les facheuses conséquences économiques de la crise des subprimes et les complications financières qui ont suivi l’Allemagne se situerait bien devant la France en terme de croissance.

2. Conséquences sur le poids des dépenses et recettes publiques

a. Le périmètre des prélèvements obligatoires

Traditionnellement les prélèvements obligatoires représentent les impôts taxes cotisations et contributions sociales obligatoires auxquels sont soumis les agents économiques prélevés par les administrations publiques (APU). Ils ne représentent pas la totalité des ressources des administrations. En effet, l’examen des recettes des administrations publiques montrent une production marchande et ventes résiduelles de 59 Mds, une production pour usage final propre de 1,4 Mds, un paiement partiel des ménages aux administrations publiques qui correspond aux recettes payées aux hôpitaux, enseignement, musées, théâtres…
Les revenus de la propriété (13,4 Mds) intérêts et autres revenus qui correspondent aux activités de de l’Agence France Trésor, de l’Agence des Participations de l’Etat et autres fonds de consolidation ou de gestion de la dette et du patrimoine des APU. Ainsi qu’un certains nombres de transferts avec les APU non résidentes et les organismes internationaux (17,8 Mds). Au total ces recettes accessoires représentent 9.9 % des recettes des APU. Ce ne sont pas des prélèvements obligatoires mais cela reste des ressources qui utilisent soit les ressources productives des APU, soit des activités dont l’équilibre financier dépend des APU, soit des investissements et placements financés par les APU. Ici nous retiendrons l’ensemble de la recette des APU, comme mesure des prélèvements des APU sur l’économie.

b. Le poids du budget des APU par rapport au PIB versus VA marchande

Les conséquences de la croissance des activités non marchandes se retrouvent sur le poids des prélèvements. Ce poids est traditionnellement évalué par la part des prélèvements (ici obligatoires et non obligatoires) sur le PIB, ce qui économiquement se justifie mais qui financièrement est tout à fait constestable puisque les administrations publiques se financent sur l’activité marchande et sur les patrimoines privés. Le poids des prélèvements est ici mesuré par rapport au PIB mais aussi par rapport à la valeurs ajoutée marchande.

Graph. 6. Poids des dépenses publiques France Allemagne

GIF - 9.9 ko

Graph. 7. Poids des recettes publiques France Allemagne

GIF - 9.3 ko

Sources : Eurostat

Si par rapport au PIB la part des recettes publiques en France n’augmente sur la période que de 1,6 points elles ont augmenté de 5,1 points par rapport à la valeur ajoutée marchande, alors qu’en Allemagne non seulement les poids sont moindres mais ils décroissent.
Ceci est particulièrement préoccupant lorsque l’on regarde le poids marginal des prélèvements, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 8 : Evolution marginale des recettes et dépenses des APU et valeur ajoutée marchande

GIF - 12.5 ko
Les administrations françaises depuis 2000 ont confisqué l’ensemble de l’accroissement de la valeur ajoutée marchande. Alors qu’en Allemagne le taux de prélèvement marginal sur la période a été de 57 % de la valeur ajoutée marchande il était de plus de 100 % en France.
Peut-être doit-on voir là une illustration macroéconomique du principe de Laffer et le début d’une décroissance des recettes des APU du fait d’un taux de prélèvement excessif et d’un trop grand poids du non marchand dans l’économie.

3. Impact économique du non marchand

Il est souvent évoqué en défense de la production non marchande qu’elle a un impact sur la croissance. La croissance étant mesurée par le PIB et celui-ci étant dépendant de la valeur ajoutée non marchande, dire que l’accroissement de la production non marchande accroît le PIB est une tautologie sans grand intérêt. En revanche le calcul de son impact sur la valeur ajoutée marchande est d’un grand intérêt car cela influe directement sur la base taxable du pays.
L’étude de cet impact est fait ici en utilisant une matrice de Leontiev construite à l’aide des tableaux entrées-sorties de l’économie nationale (sources : tes_17_2011 INSEE) à partir desquels on calcule la matrice des coefficients techniques
La procédure est la suivante :
Pour effectuer une production tout producteur utilise des consommations intermédiaires soit Y la production de consommations intermédiaires, A est la matrice des coefficients techniques. Pour fabriquer ces consommations intermédiaires il faudra AY de production.
Au total l’effet indirect est donné par la somme de la série :
Y + AY + A2Y + A3Y+ … + AnY
Qui converge vers :
(I-A)-1Y, (I-A)-1 , représente la matrice interindustrielle ou matrice de Leontiev
Dès lors que l’on connaît la structure des consommations intermédiaires d’une activité, il est possible de calculer les effets indirects de son activité.
Le calcul de l’impact montre que pour un accroissement de 1000 de la production non marchande, les commandes liées aux consommations intermédiaires sont de 245 avec l’effet multiplicateur cela génère 705 de production nationale 147 d’importations. En termes de PIB : 1000 d’accroissement de la production non marchande génère 776 de valeur ajoutée non marchande, 278 de valeur ajoutée marchande et 47 d’impôt – subvention sur produit, soit un PIB de 1100 environ. En termes financiers les dépenses publiques s’accroissent de1029, les recettes publiques de 241 soit 787 euros de besoins de financement supplémentaires. Certes il conviendrait d’inclure les consommations des agents de la fonction publique, mais gardons à l’esprit que l’ensemble de leurs revenus sont financés par le secteur marchand, leur consommation l’est aussi.

Conclusion

La dérive de la France vers un mode de production non marchand pose non seulement des problèmes de financement, mais aussi de création d’emplois et de compétitivité internationale et plus philosophiquement de liberté. A confondre croissance du PIB et croissance de la valeur ajoutée marchande on confond revenus économiques et revenus monétaires. Or, seuls ces derniers constituent avec la détention de patrimoine la base taxable et la source de solvabilité de notre pays.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire