Comment ne pas être secoué par le nouveau tour pris par notre vie politique ? Bien entendu, violences, trahisons et intrigues ont toujours rythmé l’histoire de la Ve République, peu avare en scandales. Bien sûr, il faut se garder de verser dans une généralisation aux relents démagogiques. Mais enfin, avec cette rentrée délétère, la France entre sans conteste dans une autre dimension, de celle qui préfigure un affaissement national, une faillite générale. Pendant que les Français vivent la crise dans l’angoisse, les Narcisse qui nous gouvernent dansent sur un volcan. Cette gigue macabre se nourrit de la personnalisation à outrance, de la confusion entre public et privé, de l’urgence médiatique, des postures préférées aux convictions… Duflot et son déballage électoraliste, Montebourg et son ironie destructrice, Trierweiler et son impudeur ravageuse, Thévenoud et sa phobie hyperbolique, Morelle et
son arrogance indécente… Cette séquence est dévastatrice pour l’exécutif. Et révélatrice d’une classe dirigeante people-isée pour qui le moi a supplanté le nous, l’exhibitionnisme de l’ego remplacé l’abnégation du héros. Résultat, lors du sommet de l’Otan consacré à la lutte contre l’Etat islamiste, voilà François Hollande obligé de s’expliquer sur ce « sans dents » devenu affaire nationale. Et voilà encore le chef de l’Etat, contraint de se déboutonner, s’épanchant sur « ce mensonge qui [le] blesse » au moment même où la France avoue une dérive des déficits lourde de dangers. On pourrait prendre le parti de rire de cet Harlequin à l’Elysée. Ce serait minorer la part que la dénaturation du politique joue dans la paralysie du gouvernement. Et donc dans la chute du pays.
Rémi Godeau