vendredi 3 octobre 2014

Le CICE, ce n’est pas vraiment pour l’emploi !


Le 2 octobre 2014 par Bertrand Nouel iFRAP
Le second rapport du Comité de suivi du CICE vient d’être publié. Il nous fournit un certain nombre d’informations statistiques et d’observations intéressantes, en particulier sur le peu d’usage fait du CICE, ainsi que sur la nature de cet usage. Ce que ne dit pas le rapport, c’est que les chiffres indiqués démontrent, plus qu’on ne pouvait s’y attendre a priori, qu’une entreprise doit être une importante ETI (bien au-delà de 250 salariés) pour songer à compenser ne serait-ce que le coût d’un seul salarié par la créance au titre du CICE.

Le peu d’usage fait du CICE

C’est le point généralement commenté par les médias, et nous ne nous y attarderons pas. Les anticipations officielles portaient sur un montant de déclarations permettant de parvenir à une créance totale de 13 milliards pour 2013 (sur la base de 4% de la masse salariale brute pour des salaires jusqu’à 2,5 smics). Ce chiffre a dû être abaissé après coup à 12
milliards. Mais seuls 8,3 milliards ont été effectivement revendiqués, et sur ce montant seuls 5,2 milliards (4,8 pour les déductions sur l’impôt sur les sociétés et 0,4 pour les employeurs redevables de l’impôt sur le revenu) ont donné lieu à remboursement ou déduction en 2014 (le reste a été reporté). Le chiffre est évidemment très décevant. Le rapport conclut que « Certaines entreprises ont sans doute donné priorité à l’imputation sur l’IS d’autres crédits d’impôt dont elles disposaient. D’autres n’avaient pas suffisamment d’IS ou d’IR pour imputer le CICE. D’autres encore, pour lesquelles les montants en jeu sont très faibles, ont pu omettre de faire valoir leurs droits en raison des coûts fixes qu’impliquait une telle démarche ». Le rapport fait aussi mention de la crainte des contrôles fiscaux.

La nature de l’usage : très peu d’effet sur l’emploi…

Le rapport rappelle opportunément que « le CICE est d’abord un outil de compétitivité avant d’être une politique de l’emploi. Mis en place dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, il a pour objet « l’amélioration de la compétitivité des entreprises à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement » . Il n’a donc pas forcément vocation à être utilisé directement pour l’emploi.
Dans les faits, près de 50% des entreprises sondées ont déclaré que le CICE allait être utilisé pour l’investissement, l’évolution de l’emploi ne comptant que pour 18%, en même temps et pour des pourcentages que d’autres usages concernant la formation, l’amélioration de la compétitivité-prix, de la trésorerie le rétablissement du taux de marge, etc.

…et pour cause

Les statistiques du rapport fournissent certains détails sur les montants en cause en fonction de la taille des entreprises. Voici un tableau extrait de ce rapport.
Nombre de salariés% de la créance CICEMontant moyen (euros)
Micro entreprises (0-9)10,92.753
PME (10-250)3125.012
ETI (250-4999)22,5495.586
GE (5000+)35,212.430.043
On constate que pour les bénéficiaires du CICE réunissant environ 42% de la créance totale, c’est-à-dire la totalité des micro-entreprises et des PME (jusqu’à 250 salariés), la créance moyenne ne dépasse pas 25.012 euros.
Or, le coût annuel d’un salarié au smic est de 19.596 euros, abattement et CICE déduits, sans compter le coût de l’installation de son poste de travail, le 13ème mois, les indemnités de congés payés, le remboursement des frais de transports en commun (50%), les tickets restaurant, l’éventuelle prime d’intéressement, etc.
S’il s’agit d’un salarié rémunéré à deux fois le smic, le même coût est de 48.000 euros environ (charges variables, sur la base de 40%), avec les mêmes ajouts à pratiquer que ci-dessus).
Ainsi, aucune PME se situant dans la moyenne ne peut compenser le coût d’un seul salarié (sauf à l’extrême rigueur un salarié payé au smic) avec la créance CICE. Si le salarié est rémunéré à 2,5 smics, il faut qu’une entreprise se situe assez haut dans l’échelle des ETI pour que cette compensation puisse être effectuée.
Voilà qui incite à se méfier des considérations macro-économiques. Vingt milliards, c’est beaucoup d’argent, certes. Mais dans le détail micro-économique, pour les petites entreprises, le chiffre n’est pas réellement significatif, et en tout cas pas assez pour avoir un effet sur l’emploi. Voilà aussi qui ajoute encore une dose de surréalisme aux discussions sur les contreparties, sauf pour le très petit nombre des ETI et des grandes entreprises.

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