dimanche 9 avril 2017

En fait de Géopolitique, comment dire mieux actuellement !

État du monde: qui peut pallier la faillite onusienne?

Par Lucien SA Oulahbib 
Il est aisé de se gausser de Trump voire de le vilipender vertement parce qu'il ne ferait au fond que jeter de l'huile sur le feu par son intervention sur une base syrienne soupçonnée d'avoir abrité des avions porteurs de bombes chimiques ; sauf que cette vieille critique de "l'huile sur le feu" qui en fait tend à faire croire que ce geste seul aurait créé le feu laisse supposer également que sans aucune action américaine, le monde irait bien mieux en général, le Proche Orient en général, le Venezuela en particulier.
En gros la poussée de fièvre de l'islam en crise (depuis des lustres) serait un produit occidental, voire américano-sioniste ; idem pour Maduros qui voit la patte américaine au coeur d'un Venezuela pourtant aujourd'hui en perdition ; où l'on voit alors là comment les narratifs d'extrême gauche et d'extrême droite se retrouvent, ce qui est leur droit, sauf que leur argumentation reste fausse : l'offensive islamophile actuelle n'a rien à voir avec l'Occident, ni même avec Israël, sinon le seul fait que leur présence en effet dérange. Quant à la hausse actuelle de l'antisémitisme, l'origine de ce dernier ne provient pas de la réémergence d'Israël, il était là bien avant dans le monde, y compris dans les textes islamophiles, (Bensoussan l'a rappelé et il a été traîné en justice, et, acquitté, la puissance publique a fait appel !)
Il faut en fait aujourd'hui renverser cette analyse archi-fausse produite encore à
foison par cet anti-occidentalisme multiforme qui repose au fond sur l'idée elle aussi vieillie que l'Europe puis les USA auraient en quelque sorte coloniser le monde pour empêcher toute autre forme de civilisation que la pax occidentalis diffractée aujourd'hui en pax europa et pax america. Comme si la colonisation arabo-musulmane n'avait jamais existé, ni la colonisation japonaise, aujourd'hui chinoise…
C'est plutôt parce que l'Occident, au-delà de ses imperfections, prouve qu'un autre monde plus soucieux de liberté d'égalité de fraternité bref de justice, existe, que précisément les autres modèles "concurrents", qui ont tous échoué néanmoins, tentent de le supprimer ou tout le moins cherchent à le discréditer. Certes des velléités nihilistes le sapent de l'intérieur en faisant croire que le technicisme le libertinage et la licence seraient son seul héritage, cataloguant de "conservateurs" voire de "réactionnaires " et autres adages "populistes" les discours stipulant que l'héritage occidental ne peut être réduit à ces tentatives somme toute marginales, même si du fait de la démocratisation médiatique, leurs vulgarisateurs en dominent les circuits comme autrefois à l'époque du sophisme triomphant dans une Grèce (déjà) en crise.
Mais ce problème n'est pas ici le point à traiter : faut-il laisser passer et laisser faire des atrocités au seul nom de la souveraineté et des rapports de force ? À ce compte là les USA et le Canada n'auraient jamais dû intervenir durant les première et seconde guerre mondiales. Il est sûr que pour ceux qui croient encore que Pétain était réellement porteur d'une révolution nationale ou que le CNR aurait reconstruit la France, le fait toujours de montrer du doigt "l'Amérique" reste un réflexe pavlovien palliatif comme cela se voit encore dans l'actuelle campagne présidentielle française.
Plus strictement dit, si l'idée de civilisation existe au sens d'élévation vers un affinement de soi, et si, découlant de cette définition, l'idée de valeurs objectives communes existe (ne serait-ce que respecter sa signature au bas d'un contrat) alors il aurait fallu que les pays s'étant réunis sous le label "nations unies" respectent cette idée d'unité reposant sur une Charte, universelle, celle observant au fond qu'il existe certes des droits citoyens, mais aussi des droits humains. Ce qui implique que dans certaines circonstances les premiers ne peuvent être privilégiées sur les seconds, sauf à accréditer l'idée que puisqu'une majorité donnée a voté pour un pouvoir exterminateur alors celui-ci aurait le "droit" d'éliminer toute population honnie. Sous l'Allemagne nazie comme sous la Russie communiste.
Certes, récemment, il a été fait état que l'intervention américaine lors de la seconde guerre du Golfe aurait tué des "millions" d'irakiens, sauf que cela n'est guère tangible au vu des faits aujourd'hui à disposition ; gageons que les anti-américains patentés qui sont légions et bien introduits auraient depuis longtemps exhibé les "preuves" alors que le massacre à grande échelle de chiites et de kurdes était bien avéré à l'époque sans que cela n'émeuvent beaucoup les partisans de la suprématie "über alles" du principe "citoyen".  Tout en oubliant que Saddam Hussein avait basculé dans l'islamophilie offensif (amorcé lors de la première guerre du Golfe) et que les certes profondes maladresses de l'administration Bush ont été cependant aggravées par Obama lorsqu'il décida de quitter prématurément l'Irak, ou de ne rien faire en Libye.
Mais, encore une fois, le problème n'est pas seulement là. Il s'observe aussi et surtout dans l'insuffisance notoire des instances mondiales beaucoup plus obnubilées à soutenir des visions partisanes ou dépassées. Par exemple le fait de poser l'existence d'Israël comme la cause numéro un des difficultés actuelles du Proche et Moyen Orient d'une part, et le fait, d'autre part, de ne pas voir que c'est bel et bien la mauvaise gouvernance des États en Afrique et en Amérique du Sud qui reste source des déséquilibres grandissants comme cela se voit au Venezuela, au Mozambique, en Afrique du Nord et ailleurs, quoiqu'en disent les mélenchonistes.
Néanmoins, faut-il pour autant se cantonner à des voeux pieux sur la nécessaire refonte des instances internationales ? Certes les plus transis des partisans de la "citoyenneté mondiale" en appellent à l'existence d'un "impôt mondial" en particulier sur les FTN comme les GAFA, sauf que ce point, pas inintéressant en soi si l'on veut en effet trouver des fonds pour renouveler les instances mondiales, repose toujours sur la même vision manichéenne voyant dans le "Nord" la cause des problèmes du "Sud" alors que ce dernier, avec, certes, la complicité d'une part du premier, reste, toujours, la cause de ses propres manquements, préférant la corruption (en effet alimentée par l'affairisme occidental) et le soutien à l'islamophilie (lui aussi soutenu en Occident) pour contenir des populations très jeunes, avides, elles, de démocratie, de liberté, et ne voyant comme seule issue que l'immigration pour s'en sortir. Or, ce dernier point implique précisément de fonder une autre vision des rapports internationaux avant même d'envisager sa superstructure institutionnelle mondiale.
Certains critiquent il est vrai et avec parfois de justes observations cette vision trans-souverainiste en la taxant de "mondialiste " alors qu'elle est, au-delà de ses travers et manques (du fait même aussi de ce manque de coopération mondiale effectif) plutôt universaliste au sens français : c'est-à-dire non pas idéaliste au sens communiste religieux ou aujourd'hui boboiste, mais de type à la fois géopolitique et pragmatique : autrement dit, au-delà de son fond morphologique eschatologique (les sociétés basées sur la liberté et la justice sont objectivement plus durables et plus tournées vers le bonheur, non réductible au consumérisme, que les autres) il s'avère qu'il ne suffit cependant pas d'être plus ferme sur les frontières, même retrouvées ; car ce souverainisme supposé reconstitué ne sera pas à même d'enrayer les mouvements mondiaux de population et de mutations technologiques, surtout si n'est pas en même temps pensé à la source ce qui empêchent les politiques de coopération et de codéveloppement préservant à la fois la continuité historique des nations et leur prospérité mutuelle.
Certes, cet universalisme, là, ce que je nomme l'universel morphologique propre à une néo-modernité renouvelée, au sens de ne pas se contenter d'imposer un universel supposé "véritable", mais de démontrer la nécessité d'un universel aussi indispensable que l'électricité et la lutte contre les maladies parasitaires, nécessite une diplomatie capable de comprendre que Rome ne s'est pas faite en un jour pas plus que le monde vivant y compris perçu dans la vision créationniste.
Aussi est-il nécessaire d'impulser à la fois une profonde transformation en profondeur des structures onusiennes afin de les dégager des idéologies tiers-mondistes technicistes et affairistes et, en même temps, de continuer à opérer une politique dite des "petits pas" propres à toute diplomatie digne de ce nom.
En ce sens, il convient par exemple de reprendre langue avec la Russie pour que les discussions autour des problèmes syriens n'excluent aucune des parties (hormis les djihadistes) et qu'elles soient réellement médiatisées afin que l'opinion mondiale puisse suivre en temps réel la teneur des difficultés (une demande innovante des Guyanais français qui hélas n'a pas pu prendre corps). De même le différent israélo-arabe doit être analysé en son fond et à ciel ouvert, aussi l'UNESCO devant revoir sa copie en la matière tant sa position unilatéralement pro-palestiniste nuit à l'émergence d'une solution partagée et durable.
Enfin, et toujours à titre d'exemple, les politiques unilatérales et intérieures pakistanaises, iraniennes, saoudiennes, nord coréennes, russes, chinoises, turques, doivent être saisies de manière à la fois globale et spécifique en ce sens qu'elles doivent être critiquées au nom des valeurs objectives morphologiques communes au lieu de toujours cacher la poussière des violations multiformes des droits humains sous le tapis commode de la "souveraineté".
En même temps, il s'agit aussi de tenir compte de la réalité des problèmes : ainsi s'il n'y avait pas un wahhabisme agressif avalisé par l'OCI (et soutenu par certains pays occidentaux) le chiisme version khomeyniste ne ferait peut-être pas de telles surenchères anti-israéliennes afin de se montrer meilleur État musulman ; de même les compromissions des élites pakistanaises avec une islamophilie agressive sont nourries également par le même wahhabisme s'appuyant sur le relativisme affairiste occidental lui-même nourri d'un orientalisme à la Lawrence d'Arabie qui continue à faire tant de mal, poussant le Pakistan vers l'implosion.
Idem concernant la Corée du Nord où il serait bon plutôt de la menacer seulement de l'intégrer surtout dans un processus global de coopération multiforme, même s'il n'est pas contradictoire non plus de la défier déjà au niveau symbolique en la poussant à discuter la validité de ses prises de position sur sa conception plus globale des droits humains.
Ce défi symbolique devrait être d'ailleurs généralisé. Or, il est généralement sous-estimé, y compris au niveau universitaire d'ailleurs (qui connaît, hormis ceux de Baudrillard, et, plus lointain, de Marcel Mauss, ou plus récents de Michel Maffesoli, les travaux de Gilbert Durand et aujourd'hui de Jean-Jacques Wunenburger en la matière ?). L'univers symbolique, aujourd'hui certes rétréci à sa dimension idéologique et consumériste (on consomme toujours via des paradis artificiels alimentés par la pub et la culture de plus en plus médiatique) et regonflé artificiellement via un écologisme simplificateur et un transcendantalisme orienté, n'en reste pas moins une dimension fondamentale constitutive de notre rapport au monde puisqu'il structure sur nos comportements et perceptions.
Si l'opinion mondiale savait ce qui s'était réellement passée durant la présence française en Algérie, ce qui s'est réellement passé en 1947, mais aussi dans les années 20 et 30 dans ladite "Palestine" occupée par les Anglais après l'avoir été par la Turquie durant des siècles sans parler de l'occupation arabo-musulmane supplantant l'occupation byzantine et romaine, on en saurait bien plus sur les problèmes d'aujourd'hui à savoir déjà que la présence juive précède et de loin la Shoah.
Il est d'ailleurs étonnant, à moins que l'Histoire ne soit plus considérée comme une science (toute comme l'économie la politique etc…) que l'on ne prenne au sérieux ces problèmes uniquement lorsqu'ils sont niés. Or, ledit "devoir de mémoire" ne signifie pas seulement faire un travail d'archivistes mais aussi de politique au sens entier et plein du terme comprenant dans ce cas en plus de l'idée de "polis" celle aussi de politeia c'est-à-dire d'appartenance : appartenir à la fois à mon quartier ma cité ma région ma nation ma civilisation et aussi mon intersection avec les autres civilisations, ce qui fait angle, et donc permet d'asseoir plutôt le dialogue que la guerre.
Il faudrait ainsi arriver à poursuivre l'effort de Coubertin transmuant l'énergie négative de la politeia (déjà observée par Leo Strauss lorsqu'il étudie les écrits politiques d'Aristote à savoir poser le "meilleur" y compris par la guerre létale) en énergie douce et durable celle du sport. Comment ? Le "doux commerce" façon Montesquieu repris par Wilson après la première guerre mondiale ne suffit pas et même a été contreproductif puisqu'il ne fallait pas laisser l'Allemagne à ses démons en continuant son occupation le temps qu'elle se calme. Il faut non seulement des projets communs mondiaux, mais aussi des défis des joutes qui permettraient tel le potlach de consumer l'énergie guerrière en énergie créatrice. Cela se fait certes dans l'innovation le sport, la musique, le cinéma. Mais pourquoi pas aussi dans le monde de la Théorie ? Cela serait utile qu'au niveau mondial de vastes plate-formes médiatiques puissent impulser des confrontations autrement que par le biais de colloques spécialisés.
Aujourd'hui par exemple la question de la santé, mentale y compris, la question du climat, la question de la bonne vie, sont des questions qui devraient être débattues mondialement ; autrement l'on verra de plus en plus des discours refusant la confrontation pacifique, comme le discours islamophile actuel (voir à ce propos le dernier livre de Pierre-André Taguieff, l'islamisme et nous), mener des campagnes anti-vaccin, anti-omnivore, anti-chrétien, anti-juif, ce qui implique en effet des discussions aussi sur la transcendance car il est dit beaucoup de choses fausses, ce qui veut dire que les "fake news" d'aujourd'hui ne sont au fond que la pâle copie de "fake explanations" d'hier effectuées sur divers problèmes et conflits qui en s’aggravant continuent leur ravage tel ce dernier attentat dans une église copte ce dimanche des Rameaux, symbole pourtant de paix, universelle, elle.


Le  9/4/2017     

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